Ballade des Dames du temps jadis.
Dites-moi où, en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiade, ou bien Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Écho, parlant quant bruit on mène
Sur la rivière ou sur l’étang,
Qui eut beauté bien plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïse,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Abélard à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cet essoine.
Semblablement, où est la reine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La reine Blanche comme un lys,
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Béatrice, Alice,
Harembourges qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquérez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Qu’à ce refrain ne vous ramène :
Mais où sont les neiges d'antan ?
L'Épitaphe de Villon ou " Ballade des pendus ".
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ici pendus, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est à présent dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
Que de notre mal personne ne rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Si frères, vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transsis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a lessivés et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux creusés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Ici, et là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maîtrise,
Garde qu'Enfer n'ait sur nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire nique souldre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie.