Les fleurs du jardin
en tapis multicolore
pleurent sous nos pas
 

                                   Le flocon de neige
                                   cristallise sur la vitre
                                   dentelle éphémère
 


Sharon Deslignères
 





MON PERE
 



  Lorsqu'il il était assis , tout près de sa fenêtre
les coudes sur la table de la salle à manger
rêveur et bougonnant le nez dans son café
le monde s'arrêtait.  Plus rien n'avait lieu d'être.
 
Seul un tic tac d'horloge osait le bousculer
dans les volutes bleues s'échappant d'un mégot.
Il forçait les mimiques et soudain s'évadait
soutenant son regard au delà des rideaux.
 
Il avait calculé au millimètre près
la possibilité de trouer les feuillages.
De choisir le bon angle au dessus des nuages
les collines et l'étang  qui au loin l'inspiraient.
 
Il ignorait souvent le dossier de sa chaise
laissant aller son corps sur la toile cirée.
Les lunettes coincées sur le bout de son nez
les cheveux en bataille, les pieds en charentaises.
 
Il avait l'intuition, l'idée, et la façon
d'entreprendre un ouvrage,  de construire un avion.
Lorsque ses insomnies lui pirataient ses nuits
aux radios étrangères cent fois il s'est enfui.
 
Je l'ai souvent surpris animé de tendresse
patient et attentif au moindre de mes choix
sans jamais prétexter  une once de paresse
il me couvrait d'amour sans le faire valoir.
 



Nicole Monin
 




Clos par la tristesse,
Mes yeux bruns noyés de larmes
Cherchent la lumière.
Mais où vagabonde-t-elle ?
Aveugle, ma vie est noire.
 



Dans le ruisseau bleu,
Le petit brochet frétille.
Attention danger !
Harponné, le poisson meut.
Ravi, le pêcheur sourit.
 



Sonia Spaeter
 






          UNE VISITE POUR LA 617…
 

                                                           
Utilisant les doigts ainsi qu’un démêloir,
Anne, sur ses cheveux, passe une main menue,
Avec un rien d’angoisse ajuste sa tenue
Et traverse la cour, trottant sans le vouloir…
 
Comme on ne doit, hélas, courir dans le couloir,
Il lui faut retrouver « l’allure contenue »,
L’humble comportement de chaque détenue
Dûment autorisée à se rendre au parloir.
 
Porte franchie, enfin, revient la hardiesse:
La maman, d’un regard, peut balayer la pièce,
S’élancer vers la fille accouchée en prison!
 
Au diable alors les murs, le chagrin, la souffrance,
Et tous les mois d’enfer avant la délivrance:
L’enfant qui tend les bras ouvre un autre horizon!...
 




Gérard Laglenne
 


Aux 140.000 enfants  nés en prison…A ceux qui naissent chaque année derrière les barreaux, et que l’on   ne peut garder plus de 18 mois, la séparation étant alors obligatoire...
                                                   A leur mère, quelle qu’elle soit….
 






   LES AMOURS DECHIREES...
                              
                                                                                 
 
          
Sur la barque affrétée après les accordailles
De la blonde irlandaise avec son suzerain,
Le Chevalier, amer, languissait de chagrin
Imaginant la vierge au lit des épousailles...
 
Fleur de la courtoisie, il menait des batailles
Contre l'élan charnel, mais perdait du terrain 
Comprenant que sa Dame, aussi, rongeait son frein,
Le préférait à Marc, vieux Roi de Cornouailles.
 
C'est le philtre magique absorbé certain soir
Qui fit que chaque amant, oublieux du devoir,
Garda ce déshonneur comme une plaie ouverte.
 
Un désir ancestral remplaça leur émoi,
Et Tristan se fondit dans la douceur offerte
Par l'abandon d'Iseult lui murmurant: « Prends-moi! »
 





Gérard Laglenne
 







VOYAGE 
 



                                                             
Eh, l'ami, ferme les yeux,
Je t'emmène en voyage !
Non, certes, pas en amoureux,
Juste pour les paysages.
Acceptes-tu ma proposition ?
Oui. Tes yeux sont bien clos ?
C'est parfait. Alors partons.
Partons et prenons le bateau.
Partons en vacances à la mer,
En balade au milieu des flots,
Ou sur l'océan si tu préfères.
Bref, pour mettre les pieds dans l'eau.
Surprise ! le soleil complice, notre ami,
A lui aussi accepté notre invitation.
Nous voilà donc enfin partis
Sur ce bleu infini jusqu'à l'horizon.
Bien sûr il nous faut un ciel pur,
Où s'ébattent les oiseaux curieux,
Où folâtrent les nuages dans l'azur,
Un ciel d'insouciance, joyeux.
Nous sommes alors légers et sereins,
Voguant dans cet univers magnifique
Sur ce gai navire, loin, très loin,
Peut-être... Sur la mer Baltique...
Non, revenons sur nos côtes Bretonnes,
Vendéennes ou méditerranéennes.
Oui, j'ai compris ce que tu fredonnes,
Accostons sur les côtes Guadeloupéennes :
Le bleu-vert envoûtant de la mer,
Les cocotiers, les plages de sable fin,
Les criques paradisiaques de ce papillon de terre, 
C'est la destination idéale, oh combien !
Voilà, avec seulement trois mots éphémères
La mer, le soleil et le ciel,  
Nous avons fait un voyage salutaire,
Une navigation sans pareille !
 
Alors, quand tu seras seul et désespéré,
Ami, sors de ta poche ce bout de papier,
Relis mon petit poème de liberté,
Envole-toi pour un voyage rêvé. 
 




Anick Gautheron
     
 






A CHERBOURG EN COTENTIN
 
A P.,
 


Pour toi, ma soeur de cœur, ma meilleure amie, ma jumelle…
 

P.,
 



Ce n’est pas souvent que je t’écris réellement. La dernière lettre était écrite sur du papier qui devait être rose ou en tout cas très girlly… Cela devait être pour nos 18 ans. Je t’écris car j’en ai besoin. Vraiment… Besoin de parler et de te dire merci pour ton amitié.
Hier, je suis rentrée de Paris. J’aime Paris. Cela bouge et il y a tant à voir et à faire. Des musées, des spectacles… Ce qui me fait rire aussi, ce sont les touristes chinois… Il ne regardent jamais devant eux et prennent tout en photo même les poubelles ! La seule chose pénible, c’est la précipitation et le stress constants qui règnent dans cette ville… Tout le monde est sans cesse pressé mais paradoxalement jamais à l’heure. A chaque fois, je manque de les écraser en roulant avec mon fauteuil. Ce sont les spécialistes pour me couper la route. Maintenant, je m’en fiche, je fonce et on verra !
On y était allé, tu te souviens ? En 1ère . Pour les antiquités greco-romaines. J’avais trouvé ça magnifique. Mais bon, l’essentiel n’était bien sûr pas de remplir le questionnaire de cette harpie de prof de latin, qui ne s’est d’ailleurs jamais améliorée avec l’âge –je l’ai croisé en ville, on aurait dit un vampire ou un zombie !- mais de s’amuser et de régler nos problématiques de cœur de l’époque, enfin plus les tiennes, parce que moi c’était le calme plat. Tout ça autour d’un bon sandwitch partagé en deux puisque ma mère avait visiblement décidé de me mettre au régime…
« On est pas sérieux quand on a dix-sept ans… » disait Rimbaud. Il n’avait pas tort. On se prenait beaucoup la tête, on se torturait les méninges, mais au final on n’avait pas de vrais problèmes.
C’est ce que je me disais avec Coralie, que j’ai retrouvé au détour des rues de Paris. Encore une amitié de cette époque d’insouscience… On est retourné au Louvre. Mais douze ans avaient passés. La Vénus de Milo et la Joconde étaient toujours là mais cette fois, on avait préparé nos propres questions, elle pour ses élèves, moi pour ma thèse. Moins d’insouscience. Mais pas tant que ça. On a quand même fait des photos débiles devant les statues et les tableaux du musée.
Je dirai que c’est pour ça que j’aime mon âge. On peut s’amuser mais on peut décider nous-même et prendre des responsabilités. On nous fait confiance et on nous donne plus de liberté. Car, je ne fais pas que m’amuser à Paris. Je travaille avant tout. Depuis octobre, je suis devenue administratice du Conseil d’administration de l’Association des Paralysés de France. Un poste important. Cela me fait peur mais je m’épanouis vraiment dans ce travail. Je  découvre plein de choses et je participe vraiment à la défense des personnes handicapées. Tu te rends compte ?
Et tout cela n’aurait pas été possible sans toi. Ma vie a changé, le jour où une jolie blonde m’a lancé : « Tu vas rester longtemps dans ton coin ou… ? », le jour de la rentrée de 6ème. J’aurais pu t’envoyer te faire voir. Mais non. Un vrai coup de foudre amical.
Deux verseaux dragons sur l’horoscope… Une blonde, une brune… 3 jours d’écart… Les deux côtés d’une même pièce. Pas identiques, non, complémentaires… Tu m’as appris à me lâcher et à écouter mon cœur.  Je pense t’avoir appris à ne pas trop foncer et à écouter ta raison. Moi la première de la classe, le dictionnaire ambulant, Hermione en puissance comme tu disais…
J’aurais pu être jalouse de toi. Toi la fille que toutes les filles enviaient et que tous les garçons voulaient. Certaines disaient que je vivais dans ton ombre. Non. Je t’épaulais, te conseillais, te protégeais, te couvrais souvent dans tous tes projets, tes folies, tes bétises de jeunesse. Ce rôle m’a convenu et merci de me l’avoir donné. Il m’a appris la vie comme personne n’aurait pu me l’apprendre. Dans ton ombre, j’étais protégée et j’ai accepté mon handicap pour toujours. Tu as appris aux gens à ne pas le voir. Tu m’as appris à ne pas le voir.
On a grandi ainsi en partageant tout, toujours. Et puis il y a eu tes 18 ans. La soirée surprise. Ta mère m’avait fait confiance. Elle avait fait de cet anniversaire un peu le mien aussi. C’était naturel pour elle. Tout le monde était là.
Plus tard, mes parents ont fété le mien en mars. La soirée n’était pas surprise. Mais elle portait ta patte. Tu m’as quand même fait pleurer sur un air de Claude François.. La meilleure soirée du monde… Le champagne à la paille. Ma première « grosse cuite » comme on dit. Ce fut notre rite de passage à l’âge adulte, bientôt complété par l’obtention de notre Bac.
Cela parait loin tout cela. Et au final, adulte, on ne l’était pas. Pas vraiment.
On savait qu’on aurait toujours besoin de l’autre. En soufflant les bougies de mon gâteau, un Trianon au chocolat de chez Carrefour forcément, je suis venu te chercher et je t’ai murmuré : « Me laisse pas… ensemble… » Et on a soufflé ensemble.
En effet, j’avais peur. Le monde des études supérieures et du travail ne serait pas simple avec un handicap. Je le savais d’avance. Et tu ne serais plus là. Moi à Cherbourg puis Caen et toi Caen puis Rennes. Peur de me perdre et de te perdre.
Et je t’ai perdu. On s’est éloigné voire fâchées. Mais le lien ne s’est jamais rompu. On a toujours su se retrouver dans la tempête.
Des tempêtes, il y en a eu. Finie l’insouscience de la jeunesse. Des ruptures, mon licenciement, mon anorexie, ton école d’avocat difficile à obtenir. Mais, même si je paraissais loin, j’ai toujours été là pour toi et tu as toujours été là pour moi. C’est notre force. C’est grâce à cela qu’on est devenues vraiment adultes.
Le lien qui nous unit est toujours aussi fort. C’est encore toi, qui m’a donné Cid, mon chat, mon bébé, pour veiller sur moi quand j’ai emménagé dans mon appartement.
Aujourd’hui, tu es avocate et je suis fière de l’adulte que tu es. Aujourd’hui, je suis administratrice d’une grande association, écrivain public et j’ai repris mes études. J’ai eu le cran de m’inscrire en doctorat. Je me suis relevée.
Et aujourd’hui, je vais me marier. J’ai déposé les papiers hier. C’est pour cela que j’ai besoin de t’écrire. J’ai peur et puis je ne m’y attendais pas. Je pensais que tu serais la première, moi qui t’es toujours envié un peu de ton succès avec les garçons.
Mais toi, tu as toujours su que je trouverais l’amour. Tu as toujours eu confiance pour moi. Et comme dans toutes les étapes de ma vie, c’est à tes côtés que je veux passé celle-ci, la plus belle assurément. C’est pour cela que j’ai fait de toi mon témoin et l’organisatrice officielle de mon enterrement de vie de jeune fille. Tu me connais bien et j’aurais moins peur à tes cotés.
Le 17 août, ma dernière soirée de jeune fille, je voudrais la passer avec toi. Tu crois que tu pourras ? Parce que en somme Chris est ma moitié mais toi, « tu es mon autre », comme disait Maurane. Notre chanson…
Je t’aime P. et merci pour tout,merci d’être là pour moi.
 

Ta Chiwie
 

Marion Legac
 





BERCEUSE DU SOIR
 



À l’heure où le couchant, subitement bascule
La lune un peu distraite esquisse l’or du soir
Un oiseau migrateur quitte là son nichoir
Dessinant l’empyrée en lettre majuscule.
 
Les rameaux dénudés s’enveloppent de frises,
Garnis d’un cotonneux corset immaculé
Dont se vêt la nature, au firmament voilé,
Se couvrent de frissons que le grand froid courtise.
 
Sous la rumeur du soir, que la terre parfume,
La beauté du moment, le bonheur révélé,
Envahit le silence au charme dévoilé
D’une douce lumière où le soir s’accoutume.
 
Sur les berges du lac, le sable étrangement
S’enveloppe de feu. L’air brûle la falaise
Le soir ainsi chaviré, recèle une fournaise
Puis pâlit dans la nuit d’un fol embrasement.
 
Façonnés par le temps, d’étranges silhouettes
Sculptent sur l’horizon de sombres ornements
Déposant sous le ciel quelques affolements
Malmenant cette nuit de rares girouettes.
 
Mais au creux de la dune, un jardin de verdure
Accroché à sa terre et défiant les ans
L’amour et l’espérance entonnent quelques chants
Qui s’enracinent là d’un éternel murmure.
 



Cécile Meyer-Gavillet
 





TENDRESSE DE l’AUBE
 



Un vent léger berçait la cime frémissante
Des arbres se dressant, feuillages conquérants,
Tels des hérauts du Temps, l’allure évanescente,
Dont le menu soupir expire aux vents errants.
 
En cette aube candide en sa fraîcheur intense
Un sentier discret s’ouvre aux pas du promeneur
Flottent mille parfums, nectar de prix et dense
O terre de soleil, pour l’oiseau butineur.
 
Sous l’astre du matin, dans l’ombre finissante,
Quand l’orient carmin, dans les cieux rassurants,
Envahit de pollen cette chaleur naissante,
Une couronne d’or s’étend jusqu’aux torrents.
 
Le ciel va très bientôt, dans son infinitude,
Se revêtir d’éclats aux teintes diamant,
Tandis que Séléné, selon son habitude,
Effacera la nuit, glissant docilement.
 
Les parfums éthérés échappés des forêts,
Où l’âme est attendrie, enlace tendrement,
Le rêve enveloppé livrant ses cadorets
Laissant les souvenirs s’y broder galamment.
 
Quelques fleurs assoupies aux jardins des velours,
Corolles repliées au biotope intime,
Dodinent mollement sous la brise aux entours
Diffusent dans le jour, leur nectar magnanime.
 





Cécile Meyer-Gavillet
 






MADRIGAL
 


Je suis revenue là où je suis née
Écouter la musique dans le feuillage
Entre les grands arbres où j’ai semé
Autant de rêves que de voyages !
 
Au beffroi du soir qui s’installe
À l’heure triste où va s’évanouir
Le monde et les animaux à l’étable
En l’instant tout devient souvenir !
 
Il m’arrive à l’heure tardive surtout
Quand je surprends l’orage
D’aller fouiller un peu partout
À l’intérieur de mon paysage !
 
Il m’arrive de plus en plus souvent
De repérer l’histoire, là où j’existe
Et de m’abriter sous un auvent
Laissant couler les larmes tristes !
 
Il m’arrive et je m’en alarme
De voir une image dans le miroir
De suivre mon destin dans une larme
Tombée dans le vide d’un savoir !
 
Il m’arrive et je m’en souviens
De ressusciter les heures d’un été
Là où tout semblait aller bien
Dans l’univers des joies partagées !
 
Il m’arrive et je me surprends
D’entendre mon cœur assoiffé
Hurler sa peine et ses tourments
Dans l’attente d’un matin doré !
 
Il m’arrive parfois, le soir tard
À l’heure ou le silence s’impose
D’imaginer un monde sans fard
Un jardin où le pardon repose !
 




Cécile Meyer-Gavillet
 






UNE ENFANCE…
 



La naissance, c’est l’insouciance,
Ne dit-on pas
L’innocence de l’enfance,
Croissance, obéissance
Berceau de l’existence !
 
Après l’enfance, l’adolescence,
Extravagance, imprudence,
Amourettes, sans importance
On conte fleurette, c’est la romance !
 
L’expérience suit l’espérance,
Donne un sens à la méfiance,
Dans la malchance et l’impuissance,
Les illusions baignent dans l’absence !
 
Puis jaillit l’incohérence,
Étrangement tout devient souffrance.
C’est le temps de l’indifférence
Qui frappe la fin d’une existence !
 
On repense
A son enfance,
Cette époque
Que l’on évoque,
Ce beau temps,
Le temps d’avant,
Ces années passées,
Dépassées !
 



Cécile Meyer-Gavillet
 





ANTOINE ET LA MER
 


Antoine devina que ses parents allaient se séparer lorsqu’ils lui offrirent de partir à la mer pour les vacances d’été. Ils ne l’avaient jamais fait : sa mère détestait le sable, les enfants qui roucoulent dans l’eau et les vents des flancs de l’océan. Antoine avait déjà souvent surpris son père endormi sur le canapé. Qu’ils l’emmènent à la mer, comme un dernier cadeau de souvenir d’enfance, était donc une évidence. C’est au retour des vacances qu’ils lui parlèrent de leur séparation.
Face à eux, Antoine garda le silence.
Il avait adoré ces uniques vacances à la mer. Il se souvenait encore de la blancheur de l’air de ces fins de journée d’été. Une odeur de crème solaire et de corps chauds. Des enfants nus, des femmes bronzées et des hommes alanguis. Antoine avait adoré ces vacances et refusait que leur souvenir soit gâché par ses parents et leurs problèmes.
La séparation fut douloureuse, Antoine avait douze ans et ses parents n’hésitaient plus à s’arracher les plumes devant lui. En particulier sa mère, de qui Antoine avait toujours été le moins proche. Certaines disputes furent violentes, leurs cris marquèrent les murs échardés de photos de famille et de dessins d’enfant, du verre éclata, des cœurs aussi…
Là encore, Antoine garda le silence.
Pendant ces disputes, il restait assis, en haut des escaliers, accompagné de son gros chat tigré, affectueusement nommé « Affreux », à regarder ces deux adultes se faire face. Le regard doux et calme de l’animal l’aidait à rester détaché et immobile dans ce qui lui apparaissait comme une véritable tempête.
Les parents prirent chacun un avocat et l’adolescent fut questionné sur ses préférences. « Alors jeune homme, on préfère vivre avec qui ? ». Antoine se retrouva ainsi entre deux portes donnant sur des salles inconnues. Celle de son père semblait lui ressembler davantage, du bois chaud, des murs avec des peintures de mer et de bateau, mais comment le dire sans trahir sa mère…
En bégayant légèrement, il partagea son seul désir avouable : garder le chat !
Finalement, c’est la mère d’Antoine qui emporta le morceau, le père fut jugé trop absent, avec des horaires inadéquats pour accueillir Antoine chez lui. Il pourrait voir son fils certains week-ends et les vacances.
Antoine avait des habitudes qu’il affectionnait particulièrement, et qui s’intensifièrent au moment où sa famille éclata. Ces habitudes, il les gardait pour lui. Et elles étaient nombreuses : dessiner pendant la nuit, écrire ses pensées dans un carnet, caché sous une planche disjointe de sa chambre, imaginer des animaux dans des endroits improbables, se raconter des histoires ou explorer, avec Affreux dans son sac à dos, les bois autour de la maison familiale. Il pouvait faire ça à toute heure de la journée ou de la nuit, encore plus facilement dans des moments pénibles.
Antoine se sentait « de côté » et cachait ses bizarreries. Il préférait donc garder pour lui ses histoires et ses explorations, craignant les réactions de ceux qui lui restaient parfois étrangers, en particulier sa mère.
Mais comme le lui avait chuchoté sa grand-mère lors d’une réunion familiale : « Tout le monde aime se raconter des histoires. Tous ceux que tu vois maintenant et tous ceux que tu verras dans ta vie. ». Antoine avait souri, sa grand-mère paternelle lui était familière, son discours intelligible, et il se sentait en sécurité avec elle, bien que la voyant rarement, encore plus rarement depuis la séparation.
Lors de certaines explorations, il pouvait partir au petit matin. Souvent, Affreux râlait dans ses moustaches mais acceptait le confort solide du sac à dos. Antoine aimait ces matins d’aube qui semblaient encore perchés dans les songes des rêveurs endormis. Il aimait leur moiteur grise tranchée par les couleurs vivaces des arbres. Il revenait à chaque fois avant le réveil de ses parents, ou maintenant de sa mère, qui remarquaient son air vif et frais.
En plus de ses explorations, il aimait s’imaginer des animaux improbables. Des grenouilles dans la salle d’eau, chantant en cœur sur leurs nénuphars. Des oiseaux porteurs de maison, avec des ailes défiant le ciel et des serres bien accrochées aux tuiles. Des bateaux dans les nuages, des chats dans des tasses.
L’esprit d’Antoine regorgeait d’idées comme une mer bouillonnante.
Antoine sentait son père s’éloigner. Il restait distant, ne réclamant pas de parler à son fils, il ne proposait ni week-end ni sorties. Pour Antoine, la vie de son père devenait une carte indéchiffrable, peuplée d’inconnus qu’il pensait plus aimés que lui. Certes, Antoine pouvait le contacter de lui-même, mais se refusait à le faire : son père était parti, il devrait donc se battre pour le voir. En attendant cet hypothétique retour, Antoine continuait de pousser, et prenant de la hauteur, il s’éloignait de ses racines, celles qui étaient liées à l’arbre paternel.
Mais deux mois après la séparation, un deuxième évènement vint frapper la courte vie d’Antoine : sa mère rencontra un autre homme.
Cet homme devint rapidement quelqu’un d’important dans la vie de sa mère. Celle-ci s’absentait régulièrement, laissant son fils avec le chat : elle devait penser qu’il était assez grand. Mais Antoine ne se trouvait pas grand, et lorsque sa mère s’absentait, il fixait la porte close pendant de longues minutes, jusqu’à ce qu’Affreux se frotte à lui. Antoine ne comprenait pas ce qu’il vivait comme une autre séparation. S’il avait été plus proche de celle qu’il appelait parfois « Maman », peut-être auraient-ils réussi à mieux se connaître.
Antoine voyait donc son dernier parent s’éloigner de lui.
La situation s’aggrava un samedi d’hiver, après des fêtes familiales encore marquées par l’absence paternelle.
Lors de ces jours de fête, l’homme de sa mère vint vivre à la maison, pour « voir si ça marcherait »… Il était grand, fort, et sentait la bête imposante. Il ne vint pas seul, il apporta également ses imposantes affaires et son chien, un petit fouineur bruyant qu’Affreux détesta. Antoine, lui, détesta tout le monde dès le début de cette nouvelle « famille ». L’homme était autoritaire, rigide, d’une présence directe et masculine, avec un regard étroit et fixe sur le respect, les règles et les leçons, tout le contraire de son père. L’homme et Antoine se parlaient peu, l’adulte dictant ses règles, l’adolescent se bornant au silence de la fuite. Antoine évitait également le chien, dont il détestait la présence.
En peu de temps la maison familiale, sa maison, devint un lieu de coexistence douloureusement lancinante.
L’homme occupait donc maintenant le cœur et l’esprit de sa mère, celle-ci était encore plus distraite, enjouée de ce nouvel amour, les photos familiales avaient été remisées, les peintures paternelles décrochées et rangées, les murs blanchis de tout passé.
Une nuit, Antoine se faufila dans le grenier pour récupérer ces affaires familiales, témoins d’une enfance encore vivace. Il rechercha en particulier les toiles de son père, qui se plaisait alors à peindre sa famille ou des paysages marins.
Antoine s’inquiétait de ce que deviendrait le visage de son père dans la poussière.
Antoine évitait les repas familiaux jusqu’à que l’homme, qui voulait être appelé « beau-père », ne le coince pour l’amener de force à table. Antoine n’était pas épais et détestait réellement qu’on le touche, hormis Affreux, il se hérissa mais ne dit mot. La mère d’Antoine ne prit pas la parole, distante, presque glacée, tandis que l’homme s’asseyait en face d’Antoine, mécontent.
Les conflits continuaient de progresser dans la pesanteur familiale.
Le père restait absent.
Cependant, il restait quelques plaisirs à Antoine, comme regarder les toiles de son père, et un jour resta marqué dans son esprit.
Les jours naissaient alors en printemps, les couleurs du monde se réchauffaient et une odeur de sable chaud et de crème solaire envahissait régulièrement le nez d’Antoine. Un matin où il s’était éclipsé du cours de sport, il s’était calfeutré dans le grenier familial. Il regardait les peintures de son père, restées dans le grenier, et qu’il n’avait pas pu cacher dans sa chambre.
Une, en particulier, retenait son attention.
Il aimait la regarder, imaginer les sons et les odeurs, une mélodie rythmée et un parfum de liberté : c’était une famille à la plage. Ils étaient quatre. Leurs cheveux en cordes ensablées tombaient sur leurs beaux pulls marins. Antoine les fixa, mémorisant les formes, les couleurs, les mouvements des épaules, les balbutiements des bras, l’odeur de l’océan d’une enfance passée à imaginer la mer. Antoine se vit, à leurs côtés, ils étaient sur la plage, une belle plage digne des souvenirs qu’on s’en fait et des histoires qu’on en raconte. Le vent soufflait doucement dans leurs oreilles, leurs vêtements tanguant sous la houle. Ils se tenaient la main et marchaient dans l’humidité ensoleillée du sable, puis ils se mettaient à courir, en direction de cette mer accueillante et charnelle qui les appelait.
Sa mère se débarrassa de la toile encombrante, qu’elle rendit à la grand-mère paternelle d’Antoine, mais celui-ci avait tout mémorisé.
Lors des jours suants et rugueux de l’été, l’atmosphère familiale continua de se dégrader. L’été se mourait réellement lorsque les évènements s’accélérèrent. Affreux tomba malade. Antoine paniqua. Il ne savait rien de la mort. Encore moins celle de l’être qui nous aime. On emmena le gros chat chez le vétérinaire, le diagnostic tomba : l’opération était vitale. L’animal fut d’abord laissé à la clinique vétérinaire, ce qu’Antoine vécut mal, comme l’abandon d’un enfant. Ensuite, dans la voiture du retour, sa mère et l’homme parlèrent du prix de l’opération, lui la trouvant trop onéreuse compte tenu des risques de rechute et d’échec, elle ne disant rien. Antoine fixait la nuque de sa mère, durement, espérant qu’elle se réveille, qu’elle se rappelle des nombreuses fois où Affreux s’était montré plus présent et compatissant que bien d’autres. Sa mère arrangea ses cheveux et jeta un regard glacé à son fils : « on verra, mais ne te fais pas trop d’espoirs ».
L’homme approuva.
La discussion était close.
De retour à la maison, Antoine empoigna le petit chien de l’homme et le précipita du haut des escaliers, comme son père avait jeté son fils dans l’oubli, comme sa mère avait jeté Affreux dans la poubelle de la clinique.
Dans une colère terrible, l’homme frappa l’adolescent, Antoine n’entendit pas les cris de sa mère ni les jappements de l’animal mais il lui semblait entendre la respiration douloureuse d’Affreux.
L’opération fut payée, mais Affreux mourut.
Antoine était inconsolable.
Le chien survécut aux blessures de sa chute et on décida d’envoyer l’adolescent en pension. Antoine n’avoua pas ses remords, même lorsque l’homme le déposa devant l’internat. Le contrat avait été passé : Antoine y resterait toute l’année, afin de laisser la famille se reconstruire en temps et en distance, et il pourrait peut-être revenir une fois l’année écoulée.
Lorsqu’Antoine sortit de la voiture, devant les portes hautaines de l’internat, il jeta un bref regard dans l’habitacle. L’homme fixait quelque chose qu’il ne comprit pas. Il semblait triste mais démarra sans regarder l’adolescent, seul sur le trottoir.
L’internat fut moins catastrophique qu’Antoine ne l’avait pensé. Il avait conservé certaines de ses habitudes qui le rassuraient mais ne pouvait plus partir en exploration. Il réussit à discuter avec quelques camarades, mais souvent il préférait les livres aux rires des autres.
Il pleurait fréquemment.
Il put revenir à Noël dans sa famille, avec sa mère et son beau-père, sa grand-mère paternelle passa même le voir. Lors de ce séjour il fut frappé d’une chose : une toile de son père trônait dans le salon, elle représentait Antoine encore bébé. Ce petit Antoine regardait déjà de côté, sans sourire. Il apprit le soir même que c’était son beau-père qui avait tenu à l’installer. Dans la nuit, alors que l’homme dormait aux côtés de sa mère, Antoine s’excusa. Fut-il entendu ? Antoine n’en eut jamais la confirmation.
Un samedi pluvieux à l’internat, six mois après la mort d’Affreux, le beau-père proposa d’emmener l’adolescent à la plage, Antoine accepta.
C’était une belle fin d’hiver, mature, l’air serait fort et rassurant, la mer fraîche mais accueillante. Après plusieurs heures de voyage, ils arrivèrent, enfin, à la seule plage qu’Antoine connaissait mais elle lui semblait plus vieille, plus creusée. Les deux hommes n’échangèrent que les mots strictement essentiels, magnifiques dans le vent.
Ce jour-là, on vit deux silhouettes bleues dans l’air blanc de la mer d’hiver, unies et solitaires.
 



Hélène Berdues
 









CYRANO DE BIDONVILLE
 


Belle dame, en passant vous m’avez offensé
Par votre réflexion, sans tact ni doigté.
Si vous avez du nez, moi j’ai bien deux oreilles
Qui sont peut-être sales, mais toujours en éveil.
D’un jugement hâtif, et bien trop réducteur,
Vous venez d’accuser mon corps, et ses odeurs.
 
Le clochard que je suis devrait pourtant vous plaire :
Affiné, aviné, élevé au grand air.
Mon parfum naturel, sans aucun artifice
Qui suinte de mon corps par tous ses orifices,
N’à point d’attrait  pour vous, jouvencelle épilée !
Savamment maquillée et désodorisée.
Et qui ne serait pas vivre sans savonnette,
Le postérieur dans l’eau pour avoir la raie nette.
Voici que mon propos tombe dans l’indécence,
Mais votre réflexion était sans indulgence.
 
Mon maître, Cyrano possédait un nez vil
A comparer du vôtre, harmonieux et subtil.
Néanmoins, son esprit luisait d’intelligence
Juste à l’endroit précis où naît votre indigence.
Et si, de son talent, vous aviez un cheveu
Même coupé en long et divisé par deux,
Vous m’auriez asséné, avec un air narquois
Le regard enflammé un blâme discourtois :
 
Ironique : Auriez-vous ce matin, fait la confusion sotte
De la mousse à raser avec la Cancoillotte ?
 
Prometteur : Mais bien sûr que l’on pourrait s’aimer !
Il suffit d’espérer que je fusse enrhumé …
 
Egrillard : rat musqué, putois, petit cochon,
Quel est cet animal, tapi dans ton caleçon ?
 
Campagnard : quelle odeur ! Mon bouc serait jaloux,
Et ma chèvre en émoi vous ferait les yeux doux.
 
Enfantin : pour Noël, prés de la cheminée
Ne mets pas tes souliers, tu pourrais l’asphyxier !
 
Aveugle : Ils devraient nettoyer les latrines !
 
Curieux : A quel endroit logez-vous la vermine ?
Avez-vous un ténia, parmi vos locataires ?
Poète  généreux,  vous méritez ce vers.
 
Militant : Mon ami, il faudrait vous lâcher
A la fin des manifs, vous feriez « disperser ».
 
Séduit : Relent viril venu de profondis
Que l’on pourrait nommer : parfum sui généris .
 
Tendrement : Je pressens sous la crasse un cœur d’or.
 
Pervers : Je vois, je sens, mais j’en voudrais encore
Du son, de la musique ! Auriez-vous l’éloquence
De nous offrir le bruit de quelques flatulences ?
 
Je vais en rester là, vous faisant trop d’honneur,
En vous offrant tantôt  ce discours harangueur.
Pauvre simple d’esprit, la chose sera dite !
Si vous aviez été tant soit peu érudite.
Au lieu de soupirer, au milieu de la foule
Le mouchoir sur le nez, la bouche en cul de poule,
Vous écriant, pécore, à votre ami barbu :
Le clodo, tu l’as vu ? A la vache, qu’est-ce qu’il pue !
 



Renée Lampin
 






LE POETE TREPANE
 

 
Grande sera ta peine au verdict annoncé.
Un emprisonnement et te voilà coupable !
Inculpé pour un vol, un délit dénoncé…
L’amitié bafouée, incident regrettable !
La liberté pourtant, reviendra, c’est certain                      
Au bout de quelques jours et de rimes nouvelles,           
Un non-lieu prononcé pour un maigre butin...           
Mais voilà que se font les blessures mortelles…                  
Entends-tu ces bruits sourds ? C’est le chant du canon.
            
Aux armes citoyens ! Voici la grande guerre !                
Préparez vos fusils… une croix pour un nom.
Oubliés seront-ils ceux que la mort enterre ?…
L’obus vient d’éclater… coule à flots tant de sang…    
L’éclat perce ta chair. La douleur est profonde.    
Image de la peur sous un tir incessant…                                       
Ne laissez pas périr cette âme si féconde !                                   
Ami relève-toi puis va le coeur battant,              
Il te faut succomber à la beauté des femmes !                  
Reprends vite ta plume, une rousse t’attend…                
Et laisse nous tes mots, tes vers en calligrammes.
 


Daniel Lajeunesse
 



NOS VIEILLES PIERRES
 


Elles sont toujours là, malgré le temps qui passe,
Pleines de ces saisons qui ne se comptent plus.                 
Fières de prendre aussi, dans vos coeurs, tant de place
Et d’être le témoin de siècles révolus.
Après que le soleil, sur elles, s'abandonne,
Ou qu’un brouillard étire un épais manteau gris,
Elles prennent l’éclat de ces matins d'automne              
Et puis se parent d'ocre au sein des murs meurtris.
A l’abri des regards, sous un tapis de lierre,
De profondes douleurs se cachent quelquefois  
Qu’elles gardent toujours, en vestiges de guerre,
En mauvais souvenirs, blessures d’autrefois.
Les voyez-vous pleurer de longues larmes noires ?
C’est la sueur de ceux qui jadis, ont souffert
Pour qu’elles aient une âme et que, dans vos mémoires,
Reste à jamais gravé, des bâtisseurs, l’enfer.
Ecoutez-les encor vous raconter l’histoire,
Celle des temps anciens, celle des temps présents,
Celle des jours maudits, celle des jours de gloire,
Jusqu’à vous étourdir de ces vécus pesants !
Alors approchez-vous des pierres séculaires,
Doucement, de vos mains, touchez et caressez !
Puis, amoureusement, tracez en lettres claires,
Sur elles, en cadeau, vos prénoms enlacés !
 


Daniel Lajeunesse
 



                                               
EN FAUTEUIL ROULANT
 


A toujours espérer, en y croyant encore,
Par la force des bras et de la volonté,
Il roule un avenir d'un drame surmonté,
Sa rage, au fond du coeur, le guide et le dévore.
Fixant cet horizon qu'il a vu de si près
Il passe devant vous, les yeux vers les étoiles.
Pourvu que de ses nuits, la peur mette les voiles,
Lui laissant vivre un peu juste l'instant d'après.
Depuis ce maudit jour et ses lumières floues,
Il bouffe du bitume et se fout de l'embrun,
Collé tout contre l’autre à n’en plus faire qu’un,
Ses jambes désormais n’étant plus que des roues.
Savoir serrer les dents pour toujours avancer,
Se dire que demain est la prochaine étape,
Chaque instant faire front, lorsque la vie dérape,
Se forger un mental pour ne pas renoncer.
 

Daniel Lajeunesse
 





DANSE AVEC LA FORET…
 



Il était une fois une immense forêt
Ainsi pleurait le vent en guise de salut
Aux habitants les loups qui depuis ne sont plus
Que fantômes de lieux autrefois mordorés
 
Belle et verte forêt de sereines essences
Aux arbres séculaires à l’orée de clairières
Où, par d’étranges nuits, la lune solitaire
Eclairait un ballet faisant fi du silence
 
Bras au ciel ces géants dansaient, virevoltaient
Riaient et s’amusaient, insouciants et heureux
D’être des magiciens sous l’œil sombre des freux
Mais un soir, une voix s’écria ; arrêtez !
 
Amis, dit un vieil orme, écoutez car hélas,
J’ai vu ce matin la ville tentaculaire
Déverser un béton grisâtre et cellulaire
Sous nos arcs de verdeur qui meurent et se glacent
 
Alors fit un vieux chêne, partons bien loin d’ici
Ne sommes-nous libres de nos pieds et racines ?
Pourquoi ne pas avoir la mer comme voisine
Et quitter ce pays avant que l’on nous scie ?
 
Notre imagination est grande et luxuriante
Semblable à nos cimes crièrent les grands frênes,
La montagne est pour nous, loin des croque-mitaines
La seule échappatoire aux villes trépidantes
 
De quoi avez-vous peur, soupira un grand charme ;
Tous les humains nous aiment, la terre est notre force
Voyez les cœurs gravés au sein de nos écorces
Par tous ces amoureux y dessinant leur flamme
 
Au diable les villes dit fièrement un hêtre,
Ce soir je vous convie à un festin de rois :
Je marie ma fille et c’est ainsi que je crois
À tous ces arbrisseaux où nos bois vont renaître
 
Enfin une fête où tout se lie à l’amour
Fredonna un sapin, attendez donc Noël
Où fleurs et cadeaux à nos aiguilles se mêlent ;
Preuve que les villes nous aiment au grand jour !
 
Fêtons ce mariage acquiescèrent les chênes,
Toutefois astiquons nos bottes de sept lieues
En priant les corbeaux de veiller de leurs yeux :
Ainsi, scieurs de troncs ne verront plus que plaine…
 
De magiques lampions, soudain illuminèrent
Les fourrés et bosquets, paradis des lutins
Et pailletèrent d’or les habits de satin
Des géants verts et gris foisonnant de chimères
 
Pinsons et rossignols accordèrent leurs voix
Avant la farandole où violons et lyres
Mêleraient leurs notes dans l’encens et la myrrhe
Aux couplets enchanteurs des flûtes et hautbois
 
À côté des mariés sous le feu des guirlandes
Un renard argenté, en tenue de gala
Pointa sa baguette et fit résonner le “la” ;
Clé de sol qui ouvrit l’allègre sarabande
 
Dans un grand tourbillon se mêlèrent les branches
En mille cris de joie, fous-rires et allégresse
Embrassades, danses et chants d’une liesse
Au spectacle envoûtant d’arbres qui se déhanchent
 
Champagne et vin de palme enivrèrent les têtes
Jusqu’au petit matin. Puis, la fatigue aidant
La forêt épuisée s’endormit en rêvant
Au pays où demain ces rois feraient la fête…
 
Hélas ! L’aube blafarde éclaira une armée
Encerclant la forêt de mille bûcherons :
Et ce fut la cognée de tous ces tâcherons
En ces cœurs assoupis d’un peuple à décimer
 
Au sein de l’abattage une voix s’exclama :
Ne voyez-vous ici ces hêtres enlacés,
Épargnons-les, ainsi, en témoins du passé
Ils seront de ces lieux les tout derniers lamas
 
Dans la vaste plaine où les troncs furent hachés,
Les oiseaux, tout à coup, en devinrent muets,
Les flûtes, pour toujours, cessèrent de jouer
La forêt s’éteignit, son âme ainsi couchée
 
Sur les souches meurtries, éventrées et saignées
Naquit alors la ville et en son beau milieu
Ces deux arbres uniques, à plus de mille lieues,
Réunis mais figés qui ainsi se plaignaient :
 
Où sont donc les effluves de nos bois odorants,
Où est le paradis de notre grand jardin
Habité par les loups, les biches et les daims :
Ne sont-ils désormais que fantômes errants ?
 
Sommes-nous devenus les seuls hêtres au monde
Prisonniers d’une ville assaillie de bitume
Où résonnent des pas sous un ciel d’amertume
À ce lent désespoir de cœurs qui se morfondent ?
 
Aux reflets du béton où nul arbre ne folâtre,
Le soleil a fondu nos plus vertes murailles.
Ici tout est fumée, cris, vacarme et ferraille ;
Puissions-nous déserter cette ville saumâtre !
 
Un beau matin d’automne, au centre de la ville
S’attroupèrent des gens autour d’un trou béant
Qui en laissa plus d’un, médusés ou riants
Car au lit des ces arbres, ne jonchaient que brindilles
 
Jamais de ces deux hêtres on ne revit l’image ;
Sans doute vivent-ils au pays des Merveilles
Au sein d’une forêt à nulle autre pareille
Et d’un nouveau monde où tous les hommes sont sages.
 



Dominique Dermenghem
 





LE MARAIS
 


Mes yeux déroulent
Au fil de la rivière qui s’écoule
De sa lenteur paisible
Les arabesques de ce marais
Que j’ai si souvent traversé.
En cet endroit feutré, près d’un étang
À la splendeur solitaire
Où les roseaux semblent être piqués
Au cœur des nénuphars,
Quelques bâtisses délabrées,
Aux murs festonnés de passe-pierre,
Se dressent lovées en torsades de verdure
Et drapées dans une brume comme envahies
D’innombrables songes envoûtants.
À l’écran des premières lueurs de l’aurore
Où se dilue le gris-étain du ciel
S’échancrent les silhouettes fantomatiques
D’arbustes et taillis aux parfums odorants.
Un saule marie ses branches
À la berge ombragée et caresse de ses feuilles
Un escalier de pierre criblé d’anfractuosités
Où se hasardent à fleurir
Quelques iris violets.
Au pied de cet arbre
Aux racines centenaires
Qui s’entrelacent et se nouent
En tresses longilignes et tentaculaires,
Une araignée tisse sa toile
En d’inextricables portées musicales.
Sur l’eau paisible du marais
Une argyronète dactylographie,
De ses longues pattes, un message inconnu.
À l’horizon, des nappes blanchâtres
Étirent leurs remparts cotonneux
Sous des nuages bucoliques
Qui s’accrochent aux prairies
Et frôlent de leurs ailes vaporeuses
Les forêts et les ruisseaux.
La campagne s’éveille par à-coups
De son lit étoilé et s’offre nue
Aux premiers baisers du soleil.
L’aube est un instant secret
Qui habille la terre de ses tons ocre
Et déshabille les ombres
Pour laisser place à des formes
Qui se lient et se fondent..
Les oiseaux imprègnent les lieux
D’une magie sereine ;
De la chouette discrète
À la poule d’eau craintive
Et l’hirondelle à la blanche poitrine
Qui glisse au ras du sol
De ses courbes agiles et gracieuses.
Une libellule aux ailes irisées de nacre
Danse sur un filet de lumière
Et fait miroiter sur l’étang
De petits éclairs bleuâtres.
Sur ces eaux souveraines,
Le vent court à pas légers
En murmures d’une onde
Qu’on ne voit jamais
Et dépose ici et là
Des odeurs de bois
Et de terre mouillée
Aux effluves tenaces.
Parfois, une musique inconnue,
En vagues chuchotements,
S’échappe des grands roseaux clairsemés
Tels de longs tuyaux d’orgue ensorcelés.
Le silence qui règne en ces lieux
S’écoule comme la sève
D’un temps onctueux
Qui s’arrête et s’enlise
À cette frontière où l’eau se marie
Aux ombres, à la lumière et au ciel.
Le marais,
Dans son étendue solitaire
Est un sommeil peuplé
D’innombrables souvenirs
Qui remontent comme des confidences
Sous les rides de l’eau endormie
Où, parfois, s’agitent des reflets tremblants
Tels des inflexions de voix enfouies
Qui se sont tues il y a bien longtemps…
 




Dominique Dermenghem
 






COMME DEUX GOUTTES D'EAU
 



Toi et moi sommes deux mêmes ruisseaux
Qui s’effleurent et parfois se désolent
De n’être que deux ombres qui se frôlent
Lorsque tout s’endort sous les arbrisseaux.
De-ci et de-là, parmi ces espaces
Nos eaux limpides frissonnent d’envie
À ce même espoir ; être face-à-face
Et nous enlacer au fil de la vie.
Nous sommes reflets des monts et vallons
Au tain d’un miroir où de beaux villages
Esquissent leurs traits à notre sillage
Et figent ce temps qui nous paraît long.
Tous les amoureux au joyeux visage
Aiment sourire au creux de nos rivages ;
Nous lisons ainsi au fond de leurs yeux
D’intimes secrets sous l’azur des cieux.
Notre long chemin semble interminable
De ne pas voler au-dessus du sable
Tel ce goéland qui déploie ses ailes.
Mais que l’aube pâle, tout à coup est belle
Habillant de bleu l’écrin de nos rêves
Sous l’orgue des vents où luit cette grève…
En ce jour joyeux, voici que soudain
L'écume blanche et mouvante des vagues
Jaillit à nos pieds et bénit nos bagues
Au baiser de Neptune et sa promesse
D’inonder nos corps d’une même ivresse
Au doux mariage liant nos destins.
Et sans nul regret, nous quittons la terre
Vers ce bel abysse au fond de la mer
Où les flots versent un peu chaque jour
Un philtre embaumé aux plaisirs d’amour….
Hélas, nos caresses à cette embouchure
S'entremêlent à un vaste murmure
Et nos étreintes sous le lagon bleu
N'auront vécu que le printemps des roses…
Comment nous unir dans le monde houleux
D’un océan où reflue toute prose ?
Ô ! Soleil, toi seul peux nous secourir
Du gouffre béant sans cesse ébréché
Par ce désir où aimer est souffrir ;
N’es-tu pas Éros guérissant Psyché ?
Ne sommes-nous pas cette eau éthérée
D’un parfum qui semble ainsi nous attirer
Comme ces flocons au cœur condensé
Qui papillonnent au gré des pensées ?
L’hiver aux doigts bleus se poudroie de neige
Et dessine au ciel ses gammes d’arpèges
Nous laissant danser, en un court moment
L’un contre l’autre sous le firmament.
Las ! Ce frêle espoir soudain nous divise
En cet espace où fraîchit une bise
Dissipant ainsi en mille illusions
Ce rêve d’une éternelle fusion.
Nos ailes givrées au souffle du froid
Dérivent longtemps avec grand effroi
Et enfin se posent aux cimes des ormes...
Les feux d’Hélianthe au jour nous transforment
Sous la rosée blanche en gouttes perlées
Où il nous faut en source être coulés.
Chemin monotone es-tu donc tracé
Où, à tout jamais, il faut sinuer
Parmi les jalons des saisons passées
Et ces embruns gris baignant les nuées ?
Peux-tu, toi, bel astre qui édulcore
Les nappes de brume au sein des nuages,
Nous évaporer tous deux davantage
Et sceller nos ancres en un même port ?
Un matin viendra où nous serons las
De nous suivre en la vaste immensité
De mornes plaines sans félicité ;
Voudras-tu ce jour attiser la flamme
Au sublime vœu d’y fondre nos âmes
En deux gouttes d’eau dans cet Au-delà ?
 

Dominique Dermenghem
 





« J'AI PERDU L'BEAU-PERE ! »
 

Lundi, jour de marché dans un petit village de campagne, le ciel est bleu, le soleil brille, les gens sont heureux. Rendez-vous hebdomadaire incontournable dans le petit débit de boisson sur la place, pour Félicien et Pierre.
- Bien l' bonjour Féfé, viens boire un canon avec moi, que j' te raconte la dernière d' ma voisine !
- C'est pas de refus mon Pierrot, avec c'te chaleur, poser mon popotin chez la Madeleine et m' rincer l' gosier, ça va plutôt faire du bien !
 
Tous deux attablés devant un verre de rouge, Pierre entreprend de rapporter une anecdote attrayante   à son copain Félicien :
- Ben, faut t'dire qu'elle en a encore fait une bonne, la Mauricette, hier tantôt. Tu sais qu'elle est pas bien maline, c'te pauv' Mauricette, qu'elle a un p'tit pois à la place du cerveau et ben, les conneries ça continue. Je t'avais déjà raconté, y a pas si longtemps, que son « mal embouché de mari » était tout de même venu à son secours lorsqu'il avait entendu brailler c'te pauv' pintade qu'elle plumait sans l'avoir tuée.  Faut-y être bête quand même pour enlever les plumes d'une volaille qu'est pas morte. Voulait peut-être la faire cuire sans la faire mourir !
Et les deux compères s'esclaffent de rire devant leur verre vide.
 
- C'est ma tournée mon Pierrot. Les mêmes, dit Féfé en direction de la Madeleine.
- Franchement, ça ne serait pas ma voisine et je ne la connaîtrais pas comme je la connais, et ben j' croirais pas toutes ces histoires. Mais bon, attends la suite.
Donc, l' Marcel a demandé à la Mauricette, après la soupe du midi et la vaisselle vite faite, d'aller promener  son père dans les petits chemins derrière chez eux. La v'la donc partie, c'te « grande sèche comme un coup de trique », avec son beau-père dans sa petiote charrette, vu qui peut plus marcher l'ancêtre. Les jeunes doivent s'occuper du vieux, puisqu'ils habitent dans sa ferme. Mais l'est pas chiant l'vieux, toujours content et pas exigeant pour un sou, heureusement  parce qu'il s'rait bien mal loti.
Bref, les v'la partis sur les chemins d'la « quesse », la grande simplette poussant le fauteuil du vieux réjoui. Il fait beau, les oiseaux chantent, les vaches s'emplissent la panse, l'Marcel doit se la couler douce comme  à son habitude et les deux autres sont en balade, jusque-là tout va bien.
V'la qu'la Mauricette en passant en bordure du champ Martin, voit un prunier plein de beaux fruits bien mûrs. Le vieux somnole sur son siège à roulettes donc elle l'abandonne sur la route pour aller se goinfrer de belles prunes toutes juteuses, dans le champ. Seulement voilà… Quand elle revient le ventre plein et les joues toutes collantes… y a plus d'vieux… L'a disparu le vieux… Volatilisé… Embarqué par les OVNI l'vieux…
Et les deux amis partent dans un fou rire bruyant et communicatif, attirant tous les autres buveurs de la salle du café, nombreux en ce jour de marché, qui se sont agglutinés autour d'eux pour écouter la suite de l'histoire.
- Remets-nous ça la Madeleine, dit Pierre entre deux gloussements hilares. Puis il reprend son récit.
- Alors plus d'vieux, plus de balade, la Mauricette l'a rien pensé d'autre que de rentrer à la ferme. Et en arrivant dans la cour, elle a simplement dit au Marcel « j'ai perdu l' beau-père ». L'Marcel était fou de rage, y a foutu deux bonnes calottes ! L'est pas tendre c'gros faignant. C'est là que moi, je me suis approché, en entendant tout c'ramdam de l'autre côté de la cour. La Mauricette avait les joues toutes rouges mais ne pleurait pas.
Elle répétait simplement « j'ai perdu l' beau-père » « j'ai perdu l' beau-père ».
Pierre, Félicien et l'attroupement autour de leur table rient à gorge déployée . Certains reprennent en essayant d'imiter le Pierrot « j'ai perdu le beau-père » et la rigolade continue de plus belle. Puis le narrateur, demande le calme pour relater la suite.
- C'est pas tout ça. Fallait quand même faire quéque chose. Alors Marcel appela les pompiers.
wouaille ! z'en ont mis du temps les pompiers …trouvait l'temps long l'Marcel, tempêtait, insultait la Mauricette, tournait en rond comme un chien pour attraper sa queue. Moi j'essayais bien d' le calmer mais j' m'en suis pris aussi plein les dents avec ce bon à rien d' Marcel.
Enfin, on a vu débarquer des autos dans la cour, mais pas celles qu'on attendait. C'étaient les gendarmes.  On les avait pas sonnés ceux là, mais n'empêche qu'ils étaient là avant les pompiers, pour poser plein de questions à la Mauricette. Mais la bougresse était bien incapable de répondre à quoique ce soit. Elle était aussi rouge qu'une tomate à maturité et regardait les cailloux de la cour comme si elle voulait les compter. Puis les pompiers sont arrivés. Ils ont reposé des questions à c'te bêtasse qui me faisait de la peine car elle ne comprenait rien de rien. Et, pour sûr qu' ça aidait pas pour retrouver l'vieux qui devait commencer d'avoir chaud, peu importe où y s'trouvait... À moins qu'y soit dans l'étang d' la Germaine !
Petit effet tragi-comique bien dosé par Pierre, qui s'y connait pour tenir en haleine son auditoire. 
 
L'histoire virant donc au tragique, l'assemblée écoute sans un mot, ni ricanement. Pierre reprend.
- Alors tous y z' ont décidé de refaire le parcours que la Mauricette et l'vieux avaient fait. Et j'ai suivi aussi, pour aider, si jamais y avait besoin, bien sûr.
Et là, t'nez-vous bien, on l'a retrouvé l' vieux. Un peu plus loin que le prunier d' la tentation, au bas de la descente, mais plus sur la route. L'était les quatre fers en l'air, dans le fond du fossé, l'fauteuil avec les roues qui regardaient le ciel. L'pauvre vieux faisait c' qui pouvait pour agiter les bras et nous faire signe qu'il était là, quand l' a entendu le bruit des voitures et des voix. Les pompiers l'ont sorti de son trou et l'ont embarqué à l'hosto.
Marcel était quand même bien content d'avoir retrouvé son vieux et la Mauricette aussi.
Mais elle, n'a toujours rien compris de ce qui s'est passé. C'est pourtant pas compliqué. Comme elle ne tenait plus le fauteuil, il a tranquillement descendu la pente douce du chemin puis s'est emballé pour se renverser au fond du fossé, avec le vieux endormi.
Mais tu crois qu' la simplette, elle aurait pensé à faire quelques pas en avant pour voir si justement le fauteuil n'avait pas roulé plus loin ? Ben non, l' était plus là, alors elle est rentrée avec pour seule explication : « j'ai perdu l' beau-père ».
 
Pierre le sait bien, c'est évidemment, la petite phrase qu'il faut prononcer pour que les rires reprennent dans cette pittoresque salle de ce charmant café de campagne. Et c'est incontestablement la petite phrase naïve, que chacun gardera en tête, à l'évocation de ce fait divers sans publication dans le journal local. Une anecdote de plus pour cette figure locale, heureusement sans issue dramatique !
 



Anick Gautheron
 









A Madame Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargée des personnes handicapées,
 
Nous vous adressons cette lettre relatant le parcours de deux familles que rien ne prédestinait à une aventure commune et qui ont construit, malgré leurs différences, un projet de vie innovant au sein de leur immeuble.
Notre histoire, intitulée « Une journée extraordinaire» met en scène deux couples, voisins de palier, chacun avec 1 enfant et qui vont vivre des événements communs en se rencontrant à différents moments de la journée.
 

A Orléans,
 
La famille Vaillant, qui réside dans un immeuble au RDC, est un couple de personnes en situation de handicap. La maman, Amandine se déplace avec des béquilles et travaille à mi-temps à la mairie. Le papa, Pierre, est en fauteuil roulant. A la recherche d’un emploi, il participe activement et bénévolement à la vie associative de l’APF France handicap. Leur petite fille Floriane de 4 ans est à l’école maternelle. Leur logement  n'est pas du tout adapté à leur handicap, ce qui les oblige à mettre en place de nombreuses stratégies pour gérer le quotidien et pallier aux difficultés rencontrées. Leurs voisins, la famille Hardy avec Annaëlle et Paul, travaillent tous les deux. Ils ont un garçon Flavien qui est dans la même classe que Floriane.
7h, le réveil sonne et Pierre s’éveille. C’est dur de quitter la chaleur de la couette. Doucement, il étire ses bras et peut être ses jambes. Comme à son habitude, il roule en boule sur le côté du bord du lit, attrape ses jambes, positionne ses pieds par terre puis se transfère du lit en tirant le fauteuil vers lui. Chaque geste est précis pour éviter la chute. Pendant ce temps, Amandine l’a largement dépassé avec ses béquilles, lui mettant un bon cent mètres et arrive une fois de plus en tête pour servir le café. Elle prépare les tartines et le petit déjeuner de Floriane qui dort encore. Pierre passe aux toilettes et va devoir une fois de plus jouer avec les portes. Son fauteuil ne rentre pas totalement, et pour garder son intimité il doit fermer la porte du salon.
7h, passé chez leurs voisins, Paul se lève d’un bond, le réveil a sonné trois fois et il va être en retard. Il saute du lit, se prend les pieds dans la couette, se rattrape au mur en lançant un juron, la journée s’annonce bien ! Sa femme Annaëlle se lève à son tour, grommelle sur tout ce qu’elle fait tomber sur son passage. Une course poursuite commence pour chacun entre les différentes pièces afin d’être à l’heure pour l’école. Flavien boude à son réveil, il préfère s’amuser avec sa voiture préférée « tacot », la plus rapide du monde, plutôt que de se laver, s’habiller et manger ! Vite est le mot quotidien.
En face de chez eux, Amandine finit rapidement son petit déjeuner et sa toilette afin de s’occuper de Floriane. Elle se déplace aisément avec ses béquilles évitant habilement tous les obstacles sur son passage, chaises, meubles, peluches et jeux qui traînent. L’enfant s’éveille avec un sourire et passe les étapes de la toilette, de l’habillage et de l’alimentation tout en jouant avec sa poupée « Justine ». De son côté Pierre a fini de se préparer avec les allers retour, salle de bain, chambre, toilette … Ah ces portes, quelle galère...Et pourquoi ne s’ouvrent-elles pas toutes seules? Il fait alors le vœux d’un monde sans porte !
 
8h20, les familles sont prêtes. Pierre va déposer Floriane avec son fauteuil électrique à l’école et Paul emmène son fils Flavien en voiture. Les hommes se saluent et les enfants se lancent des sourires. La porte d’entrée est relativement lourde, Pierre doit se mettre de côté et tirer de toutes ses forces pour arriver à l’entrebâiller puis la saisir en la coinçant avec son fauteuil. Paul réalise que son voisin a besoin d’aide et s’avance rapidement pour lui donner un coup de main. Ils échangent brièvement sur la difficulté de manœuvrer les portes de l’immeuble. Paul explique également que lui-même a parfois du mal lorsqu’il a les bras chargés. Ils conviennent alors ensemble que ce serait vraiment idéal d’avoir une porte automatique. Une sorte de « sésame ouvre-toi », qui rendrait service à beaucoup de personnes : les femmes  avec une poussette, les personnes avec des béquilles, en fauteuil … enfin tous ceux qui ont besoin d’aide.
Une fois dehors, Pierre s’achemine ensuite vers l’école avec Floriane qui lui donne la main. Il est très concentré car il doit éviter tous les obstacles qui encombrent son chemin, gérer habilement le trajet du fauteuil, passer tous les rebords de trottoir et redoubler de vigilance pour traverser les rues. A sa hauteur le champ de vision est loin d’être optimum. Une sorte de « compétition sportive  » à renouveler plusieurs fois par jour et un vrai défi au quotidien pour assurer la sécurité de sa fille. 
Paul, de son côté, a récupéré sa voiture. Il attache rapidement Flavien à son siège adapté tout en espérant ne pas être coincé dans la circulation. Il est stressé comme à chaque fois, les feux sont toujours aussi longs et il faut trouver une place pour se garer. Quelle galère !
Finalement, les deux papas arrivent au même moment à l’école et les enfants se retrouvent à l’entrée de la classe. Ensemble, ils mettent leur chausson et se dirigent en souriant vers la maitresse. Pierre et Paul évoque rapidement leur parcours du matin, les mots accessibilité et sécurité ont du mal à s’intégrer avec circulation et rapidité. Puis chacun repart avec des idées de meilleur lendemain, Paul à son entreprise d’imprimerie et Pierre à l’APF France handicap pour participer aux sensibilisations effectuées dans les collèges par des bénévoles et des adhérents de l’association.
9h, de son côté Amandine va prend le tram pour rejoindre la mairie. Les cinq cents mètres qu’elle doit parcourir ont déjà entamé une bonne partie de son énergie. Elle se réjouit de pratiquer la méditation chez elle, c’est le seul moyen qu’elle a pour se ressourcer et cela lui apporte un grand soutien mental. Elle aimerait bien trouver un cours de relaxation qui l’accepte avec son handicap mais actuellement aucun professeur ne veut l’intégrer dans un cours classique. Toutefois, il serait toujours possible de pratiquer des choses simples comme le travail sur l’énergie et la respiration, allongé sur un tapis ou assis dans un fauteuil. Enfin arrivée au tram, elle se reconcentre, la vigilance est de mise car il faut faire un bon écart pour atteindre la marche, bien ajuster pieds et béquilles. L’attention est à son maximum pour éviter la chute. Et hop ! En même temps, elle imagine un système de plaques déroulantes, qui serait tellement plus facile pour tous : les mamans avec des poussettes, les personnes âgées, enfin toutes les personnes avec un handicap. Puis elle se dirige vers les places réservées aux personnes à mobilité réduite. Un adolescent occupe l’une d’elle, un écouteur sur les oreilles. Il la regarde à peine et se déplace sans avoir entendu, voir compris le besoin d’Amandine. Elle s’installe puis aperçoit alors sa voisine Annaëlle qui court pour attraper la porte avant sa fermeture. Elle manque de rater la marche et se rattrape à la poignée. Apercevant Amandine, elle se dirige vers elle et entame une petite conversation, les mots accessibilité et civilité se mêlent avec précipitation et sécurité.
 
A midi, chacun va prendre son déjeuner. Pierre, de retour de la sensibilisation entre dans l’immeuble et met en application sa technique bien rodée pour ouvrir la porte avec son fauteuil roulant : une main sur la poignée, l’autre sur l’encadrement de la porte, il se propulse avec rapidité et attention avant que celle-ci ne se referme. Il se dirige ensuite vers les boîtes aux lettres. Après de multiples demandes, il a enfin réussi par avoir une boite plus basse pour lui permettre de prendre le courrier. L’ancienne était difficilement accessible pour lui et délicate à ouvrir pour sa femme, gênée avec ses béquilles. Une fois dans son logement, Pierre  réchauffe les pâtes préparées la veille par sa femme. Sa cuisine n’étant pas adapté, il ne peut pas accéder aux ingrédients ni ustensiles pour cuisiner. Soudain, on sonne à la porte, Pierre roule vers l’entrée. Il ne peut pas accéder à « l’œil de bœuf » aussi il demande : Qui c’est ? C’est son voisin Paul, totalement affolé car il a oublié ses clefs, son porte-monnaie et pour couronner le tout, son téléphone est déchargé !   Après avoir ensemble tenté de joindre le gardien de l’immeuble, Pierre propose à Paul de partager son repas tout en cherchant dans le frigo un complément au menu. Ce dernier accepte de bon cœur, après tout, cela lui fera une pause bien méritée et un échange avec son voisin qu’il croise rarement. Depuis un an qu’ils habitent le même palier, ils  ne se connaissent pas vraiment. C’est l’occasion de partager sur tous les items de la vie, les contraintes de chacun et de même pouvoir en sourire. Ils prennent conscience que malgré leurs différences, les difficultés qu’ils rencontrent sont similaires. Après le repas, Pierre profite de la présence de Paul pour l’aider à mettre la poubelle de la cuisine dans la grande, action qu’il coordonne normalement avec sa femme : il porte le sac et elle le met dans la poubelle. Une corvée à deux qui pourrait être évitée si seulement il y avait un vide-ordure adapté.
Amandine, quant à elle, se rend seule au self-service proche de son travail, sa collègue n’ayant pu l’accompagner … qu’importe, le personnel la connait bien et quelqu’un pourra bien l’aider à porter son plateau. Elle commence donc à choisir son plat lorsqu’une personne l’interpelle  en lui disant : « re-bonjour » ! C’est sa voisine qui vient aussi à ce self, à un horaire plus tôt que d’habitude. Elles ne s’y étaient jamais croisées auparavant. Annaëlle lui propose immédiatement son aide en portant son plateau avec le sien. C’est alors qu’elle se prend le pied contre celui de la table et manque de tout faire renverser. Moment de frayeur puis de franche rigolade en constatant que les plus valides ne sont pas forcément les moins maladroits. Tout en mangeant, elles partagent les contraintes de mener de front une vie professionnelle et familiale. Dans cet échange, il n’y a plus de handicap, juste deux mamans qui discutent de leur quotidien. Ce n’est qu’au moment de repartir qu’Annaëlle reprend conscience des contraintes d’Amandine avec ses béquilles.
 
A l’école, Floriane et Flavien s’occupent à leurs petits travaux manuels. Flavien se rappelle avoir croisé Floriane et son papa en allant à l’école. Il se dit que ce doit être plus amusant d’aller ainsi à l’école plutôt que d’être assis sur un siège-auto !  Distrait par ses images, il tend le bras pour prendre un pinceau et heurte le pot de peinture qui se renverse sur la table. La journée se termine par des éclats de rire !
Vers 18H, c’est le retour à la maison pour chaque famille qui se raconte les aventures du jour. Pierre relate son aide culinaire pour son voisin, Amandine le repas en commun avec Annaëlle et Floriane explique avec son petit jargon d’enfant les maladresses de Flavien. Dans le logement d’en face, Paul, Annaëlle et Flavien se remettent de leur petit tracas de la journée et se rendent compte de la chance d’avoir des voisins bien organisés et disponibles. Ils décident alors de les inviter et conviennent ensemble d’un repas convivial le dimanche suivant.
 
Samedi il pleut et la famille Vaillant décide de passer l’après-midi dans un établissement avec des jeux de loisirs pour enfant, soucieux d’offrir à Floriane une vie quasi normale avec la problématique du handicap.
Tout en conduisant, Amandine repense à l’obtention de son permis il y a 5 ans déjà, et qui a été un vrai parcours du combattant  : trouver une école de conduite adaptée pour les personnes à mobilité réduite, avoir une autorisation délivrée par un médecin agréé, passer le code dans les mêmes conditions que les personnes valides, définir les besoins d’aménagement liés à son handicap, conduire avec une boule et des commandes au volant une voiture automatique. Elle se remémore tout cela en soupirant puis sourit en repensant à ce moment où elle avait renversé une poubelle. Le bruit effrayant avait fait sortir précipitamment le moniteur du véhicule. Finalement plus de peur que de mal. Elle doit maintenant penser à renouveler son permis spécial comme l’exige la loi, avec une visite médicale.
Toute la famille se fait une joie de sortir. Par chance, une place réservée aux personnes à mobilité réduite est libre sur le parking. Il arrive trop souvent que des véhicules ne possédant pas la carte de stationnement GIC (Grand Invalide Civil) occupent ces emplacements sans se soucier du besoin des personnes avec handicap.
A l’intérieur de l’établissement, Floriane s’élance en courant pour monter sur les jeux, certains sont plus hauts que d’autres et elle a besoin d’aide pour y accéder. Ses parents lui font alors comprendre que l’on ne peut pas tout avoir ou faire comme on veut dans la vie et qu’il faut accepter de renoncer. Par chance, les voisins qui ont eu la même idée de sortie, arrivent et aident Floriane à profiter de tous les jeux. La petite fille est aux anges, elle a retrouvé son insouciance et se sent enfin comme les autres enfants. Pendant que Floriane et Flavien jouent, Paul propose de prendre une collation. Pierre souhaite aller chercher les boissons, il est capable de le faire avec son fauteuil. Il se dirige vers le bar, pose un plateau sur ses genoux, dispose les verres un à un puis les ramène tranquillement. Encore une belle leçon de la gestion d’une situation inhabituelle qui le temps d’un instant a interpellé tous les regards avec un mélange d’inquiétude, d’interrogation puis de respect.
Le dimanche festif arrive et les deux familles sont heureuses de se retrouver autour d’un repas dînatoire. Ils partagent leurs idées, leurs idéaux, expliquant tour à tour les difficultés auxquelles ils sont confrontés ; pour Pierre et Amandine, c’est l’opportunité d’exprimer leur envie d’un logement adapté au handicap, d’apporter des solutions à leur quotidien et avoir ainsi une meilleure qualité de vie ; pour Paul et Annaëlle, c’est l’occasion de mieux comprendre les contraintes et les besoins réels de leurs voisins en terme d’accessibilité et plus généralement des personnes en situation de handicap. Avant de rencontrer Pierre et Amandine ils n’avaient aucune idée de la complexité de la situation de leur voisin ni de la problématique liée au handicap. Cela leur a permis de prendre du recul sur leur propre vie et à relativiser sur des évènements contrariants mais qui n’impactent pas sur la santé. A la fin de la soirée, chacun regagne son domicile, heureux d’avoir partagé un moment sympathique et convivial mais aussi d’avoir fait germer des idées pour un habitat plus convivial et solidaire où chacun, quel que soit sa différence, son handicap ou son âge, puisse vivre de façon autonome avec une dimension collective et sociale. Une belle leçon de vie !
De cette rencontre, est née l’envie de partager leur vie de voisinage avec les autres locataires, de mettre en place un réseau d’entre-aides, de services mutuels, de co-voiturage, d’échange de compétences, de garderie après les sorties d’école et d’aide aux devoirs. Ils conviennent de mettre dans le hall un tableau d’affichage «  le tableau des solidarités » ou chacun propose ses services. Petit à petit, le tableau se remplit. Grâce à lui, les rencontres intergénérationnelles se créent et rompent l’isolement, dépassent les préjugés et favorisent la mixité.
Au fil du temps, l’immeuble qui semblait délaissé et sans âme est devenu un lieu de vie, de joie, de partage, un bel exemple « d’habitat inclusif ». C’est tout un réseau et un maillage de solidarités qui s’est mis en place au sein de l’immeuble, créant une communauté humaine « extra-ordinaire »
De leur côté, la famille Vaillant a fait une demande d’aménagement de l’appartement auprès de la MDPH de leur département. Avec le soutien d’APF France Handicap, Pierre milite activement pour le retrait de l’article 18 du projet de loi Elan qui prévoit de passer de 100 % de logements accessibles à un quota de 10 %, ce qui remet en question l’accessibilité pour tous promis par le gouvernement. Il est également engagé dans les actions liées à l’amélioration de la voirie et de l’accès aux transports en commun. Amandine a trouvé un cours de relaxation et de méditation au sein de l’APF et est devenue une nouvelle adhérente.
Les enfants Floriane et Flavien sont très complices et lorsque Pierre emmène sa fille à l’école en fauteuil, Paul les accompagne avec son fils en vélo. Les deux familles espèrent qu’un jour les enfants prendront la relève de tous ces projets de co-constructions et transmettrons à leur tours leur approche d’une économie sociale, solidaire avec une belle qualité de vie.
En espérant que notre lettre vous a apporté des éléments concrets au sujet du handicap, nous restons à votre disposition pour vous rencontrer.
 
Veuillez agréer madame l’assurance de nos salutations distinguées
 



atelier d'écriture de l'APF 45, sous l'égide de Patricia Gauclain
 






Le croissant de Lune
que la Terre affamée trempe
dans la Voie Lactée
 

Le bébé poème
dans son couffin de papier
bercé par la Muse
 



Alexandre Kostovski
 







REQUIEM POUR TROIS ARBRES
 



C’était le plus vieil arbre au cœur de la Sologne,
Dernier des pins plantés sous Napoléon trois ;
Trente mètres de haut, houppe en forme de trogne,
Il fallait être six aux bras longs de surcroît
Pour en faire le tour en un cercle d’hommage ;
Aux méfaits du climat il semblait cuirassé,
Mais la tempête Klaus eut raison de son âge !
La forêt pleure encor ce géant terrassé…
 
Dans le parc d’un château, sur un chemin pédestre
Parmi les hauts sapins, près d’un chêne ventre,
Trônait depuis longtemps un large pin sylvestre
Devenu par hasard un hybride incongru,
Car vivait dans sa fourche un bouleau minuscule
Qui lentement croissait sur ce nid hasardeux.
Vinrent des bucherons, défricheurs sans scrupule…
Croyant abattre un arbre, ils en tuèrent deux !
 
J’aimais tant admirer, dans le jardin d’en face,
Ce cèdre magnifique au double tronc puissant
Dont la vaste ramure ondoyait dans l’espace…
De tempête en orage, estimé menaçant,
Le voisin décida de l’abattre en détresse.
Deux siècles de croissance, un seul jour pour mourir !
Je n’ai plus, pour décor, qu’un bouquet de tristesse,
Mais garde sa mémoire au cœur du souvenir.
 


Liliane Codant
 






AU SECOURS ! A L'ESPOIR !
 



Au secours ! A l’espoir !
Un horizon funèbre
S’est habillé de noir :
L’avenir s’enténèbre…
 
Ici-bas, quel malheur !
Tant de fléaux, de guerres…
Engendrant la douleur
Aux vagues de misère.
 
Et les pauvres humains,
Entre conflits et crises,
Craignent des lendemains
Aux sinistres surprises…
 
Séismes meurtriers,
Ouragans et tornades,
Chaussent leurs étriers
En tristes escalades.
 
Au cœur de l’univers
Notre astre se dévoile,
Mais un destin pervers
Occulte son étoile.
 
Eléments déchaînés,
Se venge la nature !
Les hommes malmenés
Découvrent la torture.
 
Combien de malheureux,
Pauvres âmes brisées
Aux secrets douloureux,
Aux quêtes méprisées…
 
Tant d’êtres incompris
Souffrant d’intolérance,
Dans l’enfer du mépris
Où stagne la souffrance.
 
Bravant le désespoir,
Cet appel de détresse :
Au secours ! A l’espoir !
Honni soit qui l’adresse
 



Liliane Codant
Mireille Bonin
Hélène Porcher
Textes des lauréats des cordées
 
2018
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