L’ETRANGER
Il est venu on ne sait d’où
Il ne parle pas comme nous
Dans ses haillons flétris il erre dans la ville
Il ne demande rien il marche patiemment
Il marche il s’égare et de son air tranquille
Voudrait voir sourire signe de ralliement
Il est venu on ne sait d’où
Il ne parle pas comme nous
Dans une peau si noire où chercher le soleil
Il parle comme une ombre égrenant ses murmures
Personne ne comprend mais il cherche conseil
Dans l’ombre qui s’étend faut-il encor l’exclure
Il est venu on ne sait d’où
Il ne parle pas comme nous
Il va il vient il erre cherchant enfin un toit
Mais la porte se ferme au cri de sa détresse
Il poursuit son errance et soudain se déçoit
Il s’assoit fatigué ruminant sa tristesse
Il est venu on ne sait d’où
Mais il est pourtant comme nous
UN HOMME !
Alain Bussy
"Murmures"
FRÈRE DE SANG
La nuit succède au jour en un même néant
Dans ce quartier grisâtre où tu erres en vain
Poursuivi par le froid, accompagnant la faim
Que tu caches, secret, sous un très vieux caban.
Tu es le vagabond, le voyageur des rues,
Qui ne sait où il va, qui ne sait d’où il vient.
Environné de peurs, tu ne connais de lien.
Tu n’as d’autre horizon que cette misère crue.
Rêveur, tu imagines un monde sans malheur,
Le soleil réchauffant tes mains bleuies de froid,
Une table croulant sous un festin de roi,
Un ami accueillant te serrant sur son cœur.
Mais les badauds, pressés, ne te regardent pas,
Ne sentent pas même cette aura de souffrance
Enserrant ton esprit, avec indifférence.
Accablé, abruti, tu baisses tes yeux las.
Marie-Agnès Brossard
VOILES
Ma pensée se tourne vers toi, Baya,
Toi dont les toiles coulent comme une fontaine jaillit,
Toi dont l’imagination luxuriante, les dons de conteuse
Ont échappé de peu à la bride d’un mariage aussi précoce qu’arrangé
Émergée d’Algérie, tu sembles puiser ton inspiration aux confins de l’Orient ;
Tu parais imprégnée du suc végétal, animal, de la sève et de la vibration cosmique
Dévoilées sur les fresques antiques des palais crétois.
Baya, Samia, Zinat,
Femmes du Maghreb quelquefois enfermées,
Femmes d’Iran, souvent muselées,
Femmes du Pakistan, silencieuses derrière les parures étincelantes de noces imposées,
Femmes d’Afghanistan, parfois invisibles, encore emmurées,
Femmes entravées, enchaînées, emprisonnées, violées, lapidées, assassinées
Pour avoir bravé l’interdit,
Aspiré à la liberté.
Femmes, le XXIè siècle s’annonce chaotique, barbare, invivable
Si vous n’êtes point délivrées,
Le millénaire sera misérable, stérile,
Si je ne puis contempler vos visages.
Marie-Noëlle Hopital
COMME UN DIAMANT
(A l’ami épistolier que je ne connais pas !)
Si j’étais magicienne
Je viendrais jusqu’à toi
Pour enlever les chaînes
Qui entravent tes pas.
Si j’avais le pouvoir
D’être en toi un écho
Je te dirais d’y croire
Pour qu’en toi tout soit beau.
Si j’étais une voix
Pouvant te réchauffer
Je te dirais tout bas
Apprends juste à aimer.
Si j’étais une fleur,
Pour toi, je serai rose
Pour t’offrir le bonheur
Et qu’afin toi tu l’oses.
Si j’étais une plume
Près de toi, en silence,
Mes vers, je le présume,
Parleraient d’espérance.
Si j’étais magicienne
Je sèmerais l’espoir
L’amour tuerait la haine
Mais toi ? Oses-tu y croire ?
Y croire, simplement !
Et le jouer gagnant
Pour qu’en ton cœur, vraiment
Brille comme un diamant.
Marie David C.
ENFANCE
A son rythme et dans sa cadence
Glisse et passe la tendre enfance ;
Elle résonne en récital
Sur la jeune âme de cristal.
Parfois de bien sombres nuages,
Souvent de surprenants mirages
Vont jalonner chaque saison,
Imprimant ardeur et raison.
Ainsi tout au long de la vie,
Qu’elle soit triste ou bien ravie,
L’enfance reste au fond du cœur,
Comme une épine, ou une fleur…
Liliane Codant
TOI QUE JE NE CONNAIS PAS…
Tu es le passant noir qu’on évite à la brume
Mais auquel un enfant, quelquefois, fait accueil
Et que l’on voit, le soir, accroupi sur le seuil
Avec sur les genoux, une assiette qui fume !
Tu es l’errant perpétuel des routes grises,
Le banni de l’espoir d’un lendemain meilleur.
Dès l’aube, va marchant de méprise en méprise
Et toujours le remords de n’être pas ailleurs !
Et puis les souvenirs, tu les as oubliés,
Le nom de tes parents, le nom de tes souffrances,
Ton âge et ta jeunesse, et tes rêves dorés
Et les larmes versées, toutes tes espérances !
Tu vas mendiant traqué, sans pain et sans abri
Poursuivant les passants d’un regard en détresse
Au seuil des cabarets dont s’embrase la nuit
Sous un ciel nuageux, tout transi par l’averse !
Tu passes sur nos routes en chantant à tue tête
Jour après jour, au gré des plaines et des bois,
Selon les horizons, les saisons, les tempêtes
Et s’en va un soir, sans qu’on sache pourquoi !
Tu es le vagabond qui intrigue et fait peur
Car tes mains ont gardé la force de l’étreinte
Et tu es le passant que l’on évite à l’heure
Où la cloche du soir, sur les champs, passe et tinte !
Bientôt, à l’heure lente et bleue où les toits fument
Vers la sérénité de l’aube toujours claire
Et, tournant vers le ciel ton front nimbé de lune
Tu t’en iras là-bas, cheminant solitaire !
Cécile Meyer-Gavillet
Une échelle de lumière témoigne du grand jour,
Les feuilles muettes écoutent l'absence des vents,
La puissance du monde semble palpable,
Le temps emprisonné dans les horloges
N'est pas du temps mais de la durée humaine.
O mon frère d'ailleurs,
Je ne respire qu'avec un poumon
Si j'ignore ton univers.
La vérité est faite d'apparences,
L'herbe sous la lune a des reflets bleus.
Le délire verbal est la fleur des lèvres;
Elle éclôt en sourires, en baisers d'âme.
Robert-Hugues Boulin
"les buissons du langage"
CONTACTS
Ô sourires, rares et furtifs
Punaisés au cœur du saphir
Trésors pensifs
Du rêve et du désir
Mon être, vous troublez.
Ô larmes, limpides et suaves
Échouées sur les visages
Éponges ou épaves
Mirifiques paysages
Uniques, vous m’émouvez.
Ô regards, tendres ou perçants
De cendres ou de passion
Océans, tourbillons
Posés sur mon couchant
En mon âme, vous vivez.
Nora Atalla
PRESENCE
Je vis et tu vis aussi puis tu me lis.
Voilà qui nous relie. Vie qui écrit, qui lit.
Qui lie aussi.
Lorsque j’écris, je suis. Je suis présence à l’être.
Quand tu me lis, tu suis mes pensées à la lettre.
L’esprit, le hêtre.
C’est un écrit qui crie que présence s’enfuit.
Que tu lis à la lie si le temps te conduit
De toi, à l’huis.
Tu vis, tu lis. Je vis, j’écris. Présence forte
Qui porte à la porte de l’être, même morte.
Le sang, l’aorte.
Car, si quand tu lis, tu vis, tu redonnes vie.
Si tu me suis, ma présence revit, ravie.
Tu es la Vie !
Pascal Lecordier
L’INCONNUE
Toi l’inconnue que j’ai prise à mon bord
Toi l’inconnue qui pleurais l’agneau mort
Toi l’inconnue tu n’as pas dit ton nom
Toi l’inconnue venue du pays breton
Toi l’inconnue parlais de ce poussin
Que tu avais réchauffé en ton sein
Conté l’histoire de ce pauvre chat
Dont les coups ont hâté le trépas
Tu as trouvé dans cette campagne hostile
Autre chose que des hommes dociles
La vie pour eux n’est rien qu’une bataille
Et une bête pas plus qu’un brin de paille
Si tu m’entends c’est à toi que je m’adresse
Si tu m’entends je voudrais je le confesse
Sur les routes te rencontrer à nouveau
Pouce levé et puis le sac au dos
Pour t’écouter raconter un peu ta vie
Pour t’écouter et t’aider en ami
Si tu m’entends dis-moi donc ton nom
Toi l’inconnue venue du pays breton
Tu as parlé pendant des kilomètres
Et quand tu as ouvert la portière
Tu m’as dit merci et au revoir
Et j’ai pensé bonne chance à tes espoirs.
Gilbert Marquès
Poème tiré du recueil de chansons Airs du temps
L’ENFANT DE LA BRUME
L’enfant qui n’est pas venu
Aurait bu tout l’amour
De mon âme.
Dans ses yeux couleur de nuit
J’aurais lu l’aurore
D’un premier matin.
Ses cheveux, joyeuses cavales,
M’auraient appris, des vagues,
La farandole
Et son rire de grenade,
Toute la musique du monde.
L’enfant que je n’ai pas su
Attendre,
En son berceau de brume
Sourit aux étoiles.
Nostalgie …
Fantôme de souvenir
Pour la solitude
D’un soir d’hiver.
Monique Mérabet
TROUBADOUR
Troubadour, tous les jours, va donc jouer
Dans la rue
Jouer dans la rue
Troubadour ris, chante
Fais passer la joie dans les cœurs.
Marie-Paule Bardétis